Dernières heures volées

Dernières heures volées

Le samedi s’étirait doucement, comme s’il voulait nous offrir un peu de répit avant la séparation. Dehors, la lumière de décembre glissait sur les façades. L’air était frais, vif, et la ville bruissait d’un monde affairé que nous avions ignoré pendant deux jours.

Tu as proposé, presque timidement :
— Et si on allait au musée contemporain ? Histoire de prolonger un peu le charme…
J’ai accepté sans réfléchir. Tout ce qui me permettait de rester encore un peu avec toi avait le goût d’une bonne idée.

On a marché côte à côte dans les rues décorées de guirlandes. L’air sentait le vin chaud et les marrons grillés. Tes doigts se sont glissés entre les miens dans ta poche, geste discret, presque enfantin. J’aimais cette manière que tu avais de me tenir comme un secret.

Le musée était presque vide. Un silence feutré, seulement troublé par les pas étouffés sur le parquet ciré. Les œuvres se succédaient : formes étranges, couleurs éclatantes, sculptures suspendues. Mais je ne voyais que toi, ton profil concentré, la lueur de curiosité dans tes yeux.

À un moment, tu t’es tourné vers moi :
— Tu réalises qu’on vient de vivre deux jours hors du temps ?
— Oui. Et qu’il faudra bien y retourner.
— Pas encore. Pas tout de suite.

Ton regard a glissé autour de nous, vers un couloir désert.
— Viens.

J’ai ri doucement, sans comprendre où tu voulais en venir, avant de te suivre. Les pas rapides, le cœur un peu trop fort dans la poitrine. Tu as poussé la porte des toilettes discrètement, m’as attirée à l’intérieur, et l’as refermée derrière nous.

La lumière blanche, le carrelage froid, et soudain ce contraste : ton corps chaud, ton souffle contre le mien. Tu m’as plaquée doucement contre le mur, sans brutalité, juste avec cette urgence tendre qu’on reconnaît aux adieux qu’on ne veut pas prononcer.

Tes mains ont encadré mon visage, nos fronts se sont touchés, et puis tes lèvres ont trouvé les miennes. Pas un baiser pressé. Un baiser lent, dense, plein de tout ce qu’on n’avait pas eu le temps de dire. L’eau coulait quelque part, un robinet mal fermé.

Je t’ai serré fort, le nez dans ton cou.
— On ne pouvait pas finir autrement, ai-je murmuré.
— Non. C’était ça, ou rien.

Tu m’as regardée longtemps, puis tu as souri, ce sourire fatigué, celui qui reste après l’intensité.
— Je vais devoir y aller. Le train est dans deux heures.
— Je sais.

On est restés encore quelques secondes, suspendus dans cet entre-deux. Puis tu as glissé ta main sur ma joue, comme pour en mémoriser la chaleur.

— Merci pour ce week-end, ai-je soufflé.
— Merci à toi de l’avoir rendu réel.

Quand on a quitté le musée, le ciel s’était couvert. Les décorations de Noël brillaient déjà, timides dans la lumière grise. Le froid nous a ramenés doucement à la réalité.

On s’est séparés à l’angle d’une rue. Pas de grands mots, pas de promesses. Juste ce dernier regard, un peu tremblant, qui disait tout.

Je t’ai vu t’éloigner, ton manteau noir se fondant dans la foule. Et j’ai pensé que certains week-ends valent plus qu’un hiver entier.

 

Ici, tu peux tout dire, sans crainte. 😌❤️  08 95 23 44 22

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