Matin complice
La nuit avait été longue, pleine et silencieuse. Quand j’ai ouvert les yeux, la lumière filtrait à travers les rideaux, dorée, apaisante. Tu dormais encore, le bras posé sur moi, ton souffle régulier contre ma nuque. L’odeur du café montait déjà depuis le couloir, promesse de réveil tranquille.
Je suis restée quelques minutes à te regarder, savourant ce calme rare, ce moment suspendu. Puis j’ai glissé doucement hors du lit, attrapé mon peignoir, et ouvert les rideaux. La ville s’éveillait sous un ciel clair, presque irréel après la nuit que nous venions de vivre.
Tu t’es étiré derrière moi, encore à moitié endormi.
— Quelle heure il est ?
— Assez tard pour qu’on ait manqué la moitié du petit déjeuner… mais pas trop tard pour la seconde moitié.
Tu as ri. Ce rire-là, un peu rauque, encore chaud du sommeil, m’a fait fondre.
Quelques minutes plus tard, on descendait main dans la main vers la salle du restaurant.
La salle du petit déjeuner sentait le pain chaud et les fruits frais. Quelques couples parlaient à voix basse, des familles feuilletaient les journaux. On s’est installés près de la fenêtre, dans un coin tranquille.
Le serveur nous a apporté du café, des croissants encore tièdes, des jus pressés. Rien d’extraordinaire, et pourtant tout semblait parfait.
— Tu réalises qu’on n’a pas échangé une seule phrase sensée depuis qu’on est arrivés ? ai-je murmuré.
— C’est peut-être pour ça que tout va si bien.
Sous la table, nos genoux se sont frôlés. D’abord par hasard, puis plus volontairement. Ton pied a trouvé le mien, puis ta main, posée à plat sur ta cuisse, s’est doucement avancée.
Je l’ai laissée venir, jusqu’à ce qu’elle trouve la mienne. Tes doigts ont cherché les miens, les ont entrelacés, serrés, caressés du bout du pouce. Rien de plus. Mais ce simple contact a suffi à rallumer cette chaleur familière.
Je sentais ton regard sur moi, tes doigts dessinant de petits cercles au creux de ma paume. Mon souffle s’est accéléré, à peine perceptible. Le monde autour continuait de vivre, indifférent, et pourtant je n’entendais plus que nous.
— Tu sais que c’est dangereux, ce que tu fais ? ai-je soufflé.
— Pourquoi ?
— Parce que si tu continues, je ne vais plus avoir envie de sortir d’ici.
— Alors on restera.
J’ai levé les yeux vers toi. Ton sourire tranquille, ce regard qui promettait déjà d’autres matins comme celui-là. J’ai bu une gorgée de café, pour me donner une contenance.
Tu as serré un peu plus ma main, sans un mot.
Sous la table, nos doigts se parlaient en silence. Des gestes lents, tendres, chargés de tout ce qu’on n’avait pas besoin de dire à voix haute.
Le soleil jouait sur la nappe blanche, le bruit des tasses, le froissement du papier… et cette bulle de complicité qui nous isolait du reste du monde.
Quand le serveur est revenu, nos mains se sont détachées, juste le temps de le laisser poser la corbeille de pain. Puis elles se sont retrouvées aussitôt, naturellement, comme si c’était la seule place qu’elles connaissaient.
— J’aime bien quand tu ne dis rien, ai-je murmuré.
— Moi aussi. On comprend tout, même sans parler.
Un silence. Un dernier sourire. Un éclat de lumière sur nos verres à moitié pleins.
Et dans ce calme du matin, il y avait encore un peu de la nuit.
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