Mon donjon (point de vue de la maîtresse)

Mon donjon (point de vue de la maîtresse)

Pendant longtemps, cette pièce n’a été qu’une chambre d’amis. Une pièce neutre, polie, silencieuse. Puis un jour, j’en ai eu assez de cette hypocrisie. Pourquoi réserver tant d’espace au confort des autres, quand mes propres désirs ne demandaient qu’à s’étendre, à respirer, à se déployer ? Alors j’ai décidé de faire ce que personne ne dit tout haut : j’ai transformé cette chambre en donjon.

Pas un décor de film fauché, pas un cliché rouge et noir. Non. Mon donjon, je l’ai voulu sensuel, brut, minimaliste. Bois sombre, cuir tendu, crochets luisants, éclairage doux mais capricieux. À peine franchi le seuil, on comprend que les règles sont différentes ici. On entre avec le corps, mais aussi avec le silence, la tension, la promesse. Ici, je ne suis plus simplement moi : je deviens celle qui choisit. Ou celle qui cède. Cela dépend des soirs.

L’autre nuit, il est venu. Il savait déjà. Il avait vu le collier posé sur le buffet du salon. C’était le signal. Ni mot, ni appel. Juste l’objet, posé là, à découvert. Il l’a compris.

Il a frappé. J’ai laissé la porte entrouverte. Il est entré sans un bruit. Je portais uniquement une chemise blanche, ample, ouverte sur la peau nue. Pieds nus. Pas de mots. Juste un regard.

Je lui ai tendu la main. Il l’a prise. Je l’ai conduit dans mon antre, le cœur calme mais le corps prêt à brûler. J’ai refermé la porte derrière nous, doucement, comme on enferme un secret.

Dans un coin, la croix de Saint-André l’attendait. À côté, le harnais, les cordes, le martinet, les menottes en cuir. Il n’a pas bougé. Il me regardait, attentif, offert. Déjà dans l’attente.

Je lui ai ordonné de se déshabiller. Lentement. Il a obéi. Torse nu, puis pantalon à terre. J’ai approché, j’ai noué le collier à son cou. Un geste simple, mais chargé. Il savait que ce geste changeait tout.

Je l’ai mené jusqu’à la croix. Les bras levés, attachés. Les jambes légèrement écartées. Il respirait plus vite déjà. J’ai pris le bandeau et plongé le monde dans l’obscurité pour lui.

Alors j’ai commencé.

J’ai pris mon temps. Le martinet a dansé sur sa peau, en rythme. Chaque claquement résonnait comme une note sur une partition écrite à même son dos. Il gémissait à peine. Il voulait tenir. Il voulait plaire. J’alternais les coups et les caresses. Je soufflais sur les marques chaudes. Je mordais légèrement l’intérieur de ses cuisses. Je faisais durer.

Puis j’ai glissé ma main entre ses jambes. Juste assez pour qu’il comprenne que je n’avais pas oublié. Juste assez pour qu’il ne tienne plus. Il a tenté un soupir, une supplique. Mais je ne l’ai pas autorisé. Pas encore.

J’ai retiré le bandeau. Ses yeux me cherchaient. Je me suis placée devant lui, très proche. Assez pour qu’il sente mon souffle, pas assez pour me toucher. Il ne le pouvait pas de toute façon. J’ai détaché une main. Puis l’autre. Il ne bougeait pas. Il attendait.

Je l’ai fait s’agenouiller. Je me suis assise dans le fauteuil de cuir. Les jambes écartées. Il savait quoi faire. Sa langue était docile, appliquée, presque religieuse. Je gémissais sans honte, je l’encourageais, je le guidais d’un soupir ou d’un mot bref. Il aimait me sentir jouir. Il vivait pour ça, ce soir-là.

Quand je l’ai rappelé à moi, quand je l’ai enfin prise, chevauchée, utilisée, j’étais déjà ailleurs. En feu. En reine. En bête. Lui, il était à moi. Il me l’avait donné. Son plaisir, sa honte, sa fierté, tout.

Nous avons joui. Fort. Ensemble.

Et quand je me suis relevée, nue, les cuisses encore humides, les marques rouges sur sa peau, le collier toujours autour de son cou, j’ai su que cette pièce ne serait plus jamais une chambre.

C’était mon donjon. Et ce qu’il s’y passe ne regarde que moi.

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